Une Fonction publique de moins en moins titulaire

In Contractuels, Effectifs by FA FPT NA

L’emploi titulaire s’érode dans la FPT, mais aussi à la Région

L’emploi contractuel dans la Fonction publique territoriale est aujourd’hui encadré par des textes (et notamment le décret n°88-145 du 15 février 1988) qui autorisent à y recourir pour pourvoir un emploi permanent :

  • Pour remplacer momentanément un fonctionnaire absent,
  • Pour pourvoir certains postes dans des communes ou regroupement de communes (sous conditions de la taille desdites communes) ;
  • Si on ne parvient pas à pouvoir le poste par un recrutement titulaire, par exemple si les besoins du service ou la nature des fonctions le justifient (notamment s’il n’existe pas de cadre d’emploi titulaire correspondant, comme ça a été le cas des années sur les postes liés à l’informatique et au numérique).

A ces portes ouvertes au recrutement contractuel sur emploi permanent, les textes en ont ajouté deux autres pour des emplois temporaires, d’une part avec des recrutements pour renfort temporaire en cas de pic d’activité, et d’autre part avec les nouveaux « Contrats de Projet » qui prévoient d’employer le collaborateur contractuel jusqu’à aboutissement d’une mission.

Bien que ce cadre puisse paraître suffisamment rigide, force est de constater que depuis des années l’emploi titulaire recule dans les collectivités (et dans toute la Fonction Publique) tandis que le recours aux contractuels ne fait, lui, qu’augmenter. Ceux qui en doutent peuvent consulter le rapport qu’y a récemment consacré la députée socialiste Céline Thiébault-Martinez, dans le cadre des travaux de la mission « Transformation et action publique ». Le constat est clair : entre 2011 et 2023, le nombre de contractuels employés dans la Fonction Publique a connu une augmentation massive de 44% passant de 942 000 collaborateurs à 1 360 000 environ. Alors que dans le même temps les effectifs titulaires reculaient, avec le départ de 25 200 fonctionnaires, les contractuels sont désormais devenus le moteur de l’emploi public en France. Et ce n’est pas une bonne nouvelle, non parce qu’il faudrait s’interroger sur leurs compétences ou leur engagement (nous le rappelons pour la FA-FPT les agents contractuels sont des agents publics à part entière), mais en raison de ce que cela nous révèle de l’état où l’on a laissé le service public .

Ce que la hausse des effectifs contractuels traduit en premier lieu, c’est l’explosion des besoins de remplacements d’agents titulaires. Qui en serait surpris ? Faute d’avoir mené des politiques de prévention suffisamment ambitieuses, faute aussi d’avoir pu (et, parfois, voulu) rajeunir les effectifs des services essentiels au fonctionnement quotidien des services publics en anticipant par des recrutements les départs à la retraite désormais massifs, les employeurs des 3 versants de la Fonction Publique font désormais face à d’énormes besoins en termes de compensation de restriction médicale, de remplacement d’arrêt maladie et/ou d’intérim le temps de recruter. Notre Région n’y échappe évidemment pas. Ainsi, le Rapport Social Unique faisait mention de 1024 contractuels en CDD en poste au 31 décembre 2021. Deux ans plus tard, ce chiffre est passé à 1204, soit 10% d’augmentation par an. On peut, en quelque sorte, voir dans ce chiffre un indicateur de l’état de santé de nos services. Précisons que cela n’enlève rien à la qualité des actions menées par la Région pour prévenir les risques d’accident et de maladie professionnelle, notamment dans les lycées, car nous payons aussi aujourd’hui (et nous continuerons à les payer demain) les conséquences de la faible attention portée à la santé des agents de lycée du temps de l’Etat, ou encore de la pénurie nationale de médecins du travail depuis plus de 15 ans qui retarde la mise en oeuvre des mesures d’aménagement nécessaires.

Mais le remplacement des titulaires absents n’est pas le seul facteur qui explique cette érosion de l’emploi titulaire. Des décennies de politiques d’inspiration libérale sont aussi à l’origine d’un petit big bang de l’emploi contractuel non-lié à des vacations. Dans les collectivités locales, l’emploi administratif de catégorie A, a priori moins sujet que les emplois techniques aux enjeux d’usure professionnelle et mieux anticipé du point de vue des départs en retraite (et donc moins générateur de remplacement), a vu lui aussi les effectifs contractuels augmenter de plus de 60% en 10 ans. Notre Région suit la tendance : si elle comptait 194 contractuels en CDI sur emploi permanent en 2021, ce nombre atteint désormais 227 fin 2024, soit une augmentation de 17%. Là, les choix de la collectivité sont peut-être davantage à interroger. On est en effet passé, entre 2021 à 2024, de 204 postes de contractuels recrutés au motif que « les besoins des services ou la nature de la fonction le justifie », à 251 – essentiellement sur des emplois considérés comme relevant de la filière administrative. Sans doute l’idée de recruter dans le vivier des salariés du privé, vendus comme le nec plus ultra de la performance, a-t-elle fait son chemin chez les employeurs territoriaux.

La Région ne le cache pas, dans son RSU 2024 : la part de l’emploi titulaire dans l’effectif régional est passée en 3 ans de 84.2% à 81,6%. Elle veut y voir néanmoins un bon score, au motif que l’effectif titulaire n’a baissé que de 0,45% (depuis 2023 sans doute, car si on remonte à 2021 la baisse est plus forte : 141 postes titulaires en moins tout de même !) et que la FPT dans son ensemble, fait pire. La FA-FPT en prend acte – mais en revendiquant pour la Nouvelle-Aquitaine qu’elle fasse mieux.