Sur les retraites, les Territoriaux refusent de se laisser bâillonner

In Non classé by Yves Chaineau

La Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales, vous connaissez ? Créée à la Libération, la CNRACL gère depuis 80 ans les prestations de retraite des agents des collectivités locales et des hôpitaux. Elle couvre 1,3 million de retraités et a versé 24,4 milliards d’euros en prestations de retraite en 2023, ainsi que 2,7 milliards en pensions d’invalidité. Hélas, cette « vieille dame » des retraites publiques n’est pas au mieux de sa forme. L’an dernier, elle a ainsi accusé un déficit de 2,5 milliards d’euros entre les cotisations reçues et les prestations versées.

Malgré son importance dans le service public, la Fonction Publique Territoriale n’est pas représentée dans la délégation paritaire permanente au sein de laquelle s’opère actuellement la concertation sur le sujet des retraites. Aucune négociation ne semble ainsi prévue avec les acteurs du versant local du service public, faisant de la Fonction Publique Territoriale une sorte de « grande muette » du débat national sur les retraites. Cependant et fort heureusement, un rapport publié en mai 2024 sur l’état des finances de la CNRACL a été présenté en séance plénière du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale fin 2024. Puis la « délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation » au sein de l’Assemblée nationale a auditionné les représentants de employeurs et syndicaux de la territoriale sur ce sujet .

C’est pour briser ce silence que la FA-FPT a saisi ces deux occasions pour mettre les pieds dans le plat et évoquer sa position sur l’état de notre caisse de retraite.

Dans leur intervention, vos représentants FA-FPT ont rappelé que les agents publics hospitaliers et territoriaux n’étaient pas responsables de la situation financière actuelle de la CNRACL. Ils ont rappelé que cette caisse a été, par solidarité avec les autres caisses de retraite, ponctionnée de 100 milliards d’euros au cours des 50 dernières années, et réclamé qu’aujourd’hui cette solidarité fonctionne aussi dans l’autre sens, à l’heure où la CNRACL ne peut plus servir de vache à lait.

Les représentants FA-FPT n’ont pas manqué de rappeler que l’érosion de la valeur du point d’indice, en raison de l’inflation accumulée depuis 1999, a fortement contribué au déficit de la CNRACL et à la dégradation de sa situation financière. L’indexation progressive du point d’indice sur l’inflation, comme le réclament les organisations syndicales, aurait permis des ressources de cotisation plus dynamiques. Songeons qu’en Euros constants, le point d’indice a perdu 31% de sa valeur en 25 ans !

Les syndicats ne sont pas les seuls à tirer ce constat. Le 20 mars dernier, l’INSEE déclarait que, sur la base des chiffres 2021, il apparaissait qu’à « volume de travail identique, les salariés de la fonction publique perçoivent un salaire net moyen inférieur de 3,7 % à celui de leurs homologues du secteur privé, malgré leur âge et leur niveau de diplôme en moyenne plus élevés. ». Pas besoin d’être sorcier pour comprendre que la contraction des rémunérations limite mécaniquement l’assiette des cotisations et des contributions puisque celles-ci se fondent sur le salaire.

Au CSFPT, la FA-FPT s’est opposée fermement à la proposition de calculer les retraites des agents territoriaux sur les 25 meilleures années. Cette mesure injuste et même punitive n’aurait d’ailleurs pas les effets annoncés par ceux qui s’en font les partisans. Nous sommes absolument opposés à la dernière réforme des retraites et principalement au recul de l’âge légal de départ à 64 ans en raison de ses conséquences sociales et des difficultés qu’il va engendrer pour le renouvellement des effectifs des services publics.

Nous avons au contraire rappelé nos revendications portant sur :

  • le recrutement prioritaire de fonctionnaires, accompagné d’une intégration des contractuels avec droit d’option (ce qui permettrait que leurs cotisations participent au financement de la CNRACL) ;
  • l’intégration du régime indemnitaire dans le calcul des pensions;
  • une véritable prise en charge de la pénibilité et une politique de prévention de l’usure professionnelle, autre que le dispositif de catégorie active, et notamment la création du Fonds de prévention de l’usure professionnelle. Seul le versant territorial est pour l’instant privé d’un mécanisme de ce type !

Sur ce point, d’ailleurs, c’est le flou total de la part de l’État pour les employeurs territoriaux et leurs agents qui attendent toujours la publication du décret précisant les modalités de l’entretien de carrière, prévu par la loi de Transformation de la fonction publique n’est jamais paru. Ce point n’est même plus évoqué par le Code Général de la Fonction Publique ! Les rares leviers pouvant aider à la prévention de l’usure et au maintien dans l’emploi n’étant donc pas opérationnels, on se dirige vers une nouvelle augmentation des charges qui vont peser sur la CNRACL, qui n’est pratiquement pas traitée.

Il y a de nombreuses questions que les Territoriaux veulent discuter : permettre une compensation démographique inter-régimes au bénéfice de la CNRACL, fixer un nouveau seuil d’adhésion au régime de la CNRACL pour les temps partiels, intégrer les contractuels à la Caisse.. Et aussi, pourquoi le régime de retraite des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux ne bénéficierait-il pas d’autres sources de financement que ses cotisations, à l’instar du régime général ou de celui des fonctionnaires de l’État ?
La CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) pourrait-elle reprendre la dette de la CNRACL ? Et si la complexité du sujet vient de la CNRACL en tant que telle, pourrait-on envisager d’adosser les agents territoriaux et hospitaliers au Service des pensions de l’état, pour que leurs retraites bénéficient de ces autres sources de financement ?

C’est pour débattre et travailler sur tous ces sujets que les Territoriaux, FA-FPT en tête, ont choisi de se faire entendre.