L’IA, entre rejet et fascination

In Billets d’humeur, Outils by FA FPT NA

Le 1er avril dernier, la FA-FPT annonçait sur son site la syndicalisation des IA. Ce poisson d’avril, comme souvent avec l’humour, mettait aussi le doigt sur l’omniprésence de l’Intelligence Artificielle dans les débats qui agitent notre société, et notamment ceux qui portent sur le devenir du service public.

Depuis l’apparition des premiers calculateurs, l’idée d’un grand remplacement, non de l’homme par d’autres hommes, mais de l’homme par la machine, est un thème populaire. Les plus optimistes nous imaginent volontiers en rois fainéants, ayant abandonné les contraintes du travail aux machines intelligentes. Les plus pessimistes nous imaginent vivant sous des tyrannies informatiques, voire robotisées, l’intelligence artificielle étant devenue l’outil de contrôle social suprême. La vérité de l’IA sera sans doute quelque part entre les deux, et pour réussir cet entre-deux il faut naviguer entre deux écueils tout aussi dangereux l’un que l’autre : la fascination et le rejet.

La fascination se comprend : difficile de ne pas être bluffé par les capacités croissantes de l’IA, qu’il s’agisse de rédiger des articles (non, pas celui-ci !), de créer des images, de nous dénicher des données. Je veux une rédaction de 2 pages sur la Révolution Française, un plan de note sur les enjeux de la réindustrialisation, une image réaliste de chaton dans une tenue de cosmonaute ? L’IA sait faire, et elle le fait de mieux en mieux. Le premier risque de la fascination, ca sera de considérer que tout désormais doit être fait avec l’IA, voire par l’IA. Mon activité professionnelle ? L’IA. Mon budget familial ou mon projet de construction de maison ? L’IA. Qu’est ce que je vais manger cette semaine ? Vite, l’IA ! Non, l’IA n’est pas, et ne doit jamais devenir, un « outil universel » de luxe qui nous éviterait de réfléchir par nous-mêmes, ou d’utiliser des outils plus simples et moins gourmands en énergie.

L’autre danger de la fascination, et auquel nous serons tous de plus en plus confrontés, c’est le risque de faire de l’IA l’arbitre ultime en partant du principe que « ça doit être vrai puisque l’IA l’a dit ». Cela devrait nous rappeler ce bon vieux « Ca doit être vrai je l’ai vu sur Internet », lui-même descendant du célèbre « ça doit être vrai ils en ont parlé à la télé/à la radio/dans le journal ». L’IA n’est pas infaillible. Elle se nourrit de données, et 5 minutes de navigation devraient suffire à nous convaincre que les données disponibles ne sont ni égales en qualité, ni en fiabilité, ni en objectivité. Si la donnée fournie à l’IA est frelatée, celle qui sera rendue par l’IA le sera aussi. Il sera donc absolument nécessaire de réfléchir à chaque étape de l’utilisation de l’IA. Réfléchir lors du « prompt », afin de poser la bonne question et d’aider l’IA à y répondre. Réfléchir aussi après la réponse de l’IA, pour conserver le même regard critique qu’on aurait face à la réponse d’un humain.

Le second écueil à éviter, c’est le rejet. On le comprend aussi. Depuis le début de l’industrialisation la machine est vue comme une menace pour le travail humain, et avec la numérisation de notre société la part de nos vies que nous sentons sous le contrôle ou la menace des machines ne fait que croître. L’IA va bouleverser nos vies, et nous comprenons tous qu’elle a déjà la capacité de bouleverser nos emplois. A moins d’être programmeur d’IA (un métier pas si assuré que ça d’être « à l’abri » de l’IA d’ailleurs) on peut tous se demander quel avenir l’IA nous prépare. Mais voilà, d’une part le pire n’est jamais certain, et d’autre par la peur n’évite pas le danger. Comme bien d’autres secteurs d’activité, les pouvoirs publics vont s’en emparer. En soi, il faut se dire que c’est une bonne chose. D’abord, se détourner de l’IA ne va pas la « désinventer ». Et cela ne la rendra pas meilleure, bien au contraire.

En fait, il est même essentiel que celles et ceux qui regardent l’IA avec méfiance continuent à s’y intéresser en l’utilisant. Sans ces utilisateurs sceptiques, sans leur regard critique, l’avenir de l’IA sera uniquement dicté par ceux qui auront succombé à la fascination. C’est là qu’on pourra vraiment s’inquiéter ! L’IA c’est un outil nouveau, plutôt coûteux, gourmand en énergie, mais avec aussi un énorme potentiel pourvu qu’il soit employé à bon escient. C’est ce dernier point qui devrait aujourd’hui concentrer l’attention des acteurs publics.