Aperçue pour la dernière fois en 2023 en train de défendre le pouvoir d’achat des agents dont le traitement indiciaire stagnait depuis 4 ans, la Garantie Individuelle du Pouvoir d’Achat (GIPA de son petit nom) a disparu début novembre, quelque part entre la rue de Grenelle et l’Hôtel Matignon, on suppose à l’occasion d’une discussion budgétaire. Parmi les dernières personnes à l’avoir croisée, le Premier Ministre, le Ministre du Budget, et l’actuel Ministre de la Fonction Publique « & Cie ». GIPA venait d’avoir 16 ans.
« Pas de GIPA en 2024, pas de GIPA non plus en 2025 », voici en substance ce qu’a décidé le gouvernement. Notre ministre de tutelle s’est même fendu pour l’occasion d’une déclaration expliquant que la disparition (pardon, la « non-reconduction ») de ce dispositif de compensation des effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat était comme qui dirait une mesure de justice sociale. Ben oui, enfin, puisque l’inflation avait baissé et que la GIPA « avantageait surtout les agents de catégorie A en fin de carrière » ! Et tant pis si l’inflation ne baisse maintenant qu’après plusieurs années de hausse sensible, et tant pis aussi si la Cour des Comptes, organisme un tantinet connu pour ses compétences d’analyse budgétaire, contredit cette assertion dans un rapport de 2015 qui montre que, dans la Territoriale, la GIPA va très largement aux agents de catégorie C. Quand on est ministre, on apprend à ne pas s’embarrasser de ce genre de menus détails.
La FA-FP a d’ailleurs répondu au Ministre en soulignant que ce seraient bien les agents de catégorie C qui allaient être les premiers pénalisés par ce « gel » de la GIPA. Avec le flingage de la GIPA, la seule évolution que va connaître le salaire moyen des agents C en 2024 sera véritablement royale : un peu moins de 6 centimes. Elle est pas belle la vie ? A ce rythme, ils pourront même envisager s’offrir un café-crème en terrasse un de ces jours… A condition que l’inflation veuille bien ne jamais dépasser 0%, bien sûr.
Nous ne sommes pas naïfs, la GIPA n’était pas parfaite, c’est certain. Elle pouvait être rendue plus juste, c’est évident. On lui aurait préféré un meilleur déroulé de carrière pour tous, c’est clair. Mais aussi imparfaite qu’elle était, elle constituait un progrès. Et qu’on ne nous prenne pas pour des jobards : ce n’est pas pour réformer la GIPA qu’ils l’ont suspendue. C’est juste pour ne pas la verser.
Maigre consolation, les agents publics ne vont pas être les seuls à subir, à terme, les contrecoups de la non-reconduction de la GIPA. Prenez les employeurs territoriaux : jusqu’ici ils étaient relativement à l’abri du sujet salarial. Ils ne pouvaient être interpelés que sur les primes. Ils pouvaient renvoyer vers des décisions nationales sur la valeur du point d’indice, et vers la GIPA pour les sujets « pouvoir d’achat ». Fini le bon vieux temps, les gars : désormais, les employeurs territoriaux évoluent dans un monde où les uns, comme Boris Ravignon, rêvent de les rendre co-responsables de la valeur du point, tandis que les autres décident de supprimer (ou de suspendre) les mécanismes nationaux de maintien du pouvoir d’achat. Face aux revendications des agents et des organisations syndicales, ils seront de plus en plus exposés. Et si les choses continuent de ce train, ils finiront demain par se retrouver tous seuls…
Ca, c’est garanti.