La récente publication par la Région de 2 postes de médecins du travail, sur Limoges et sur Poitiers, vient à nouveau souligner la difficulté croissante des collectivités à recruter sur ce type de profil. Il faut le souligner : cette difficulté n’est ni propre à notre Région (toutes les collectivités peinent actuellement à recruter des médecins), ni nouvelle (les anciennes Régions, voici 15 ans, bataillaient déjà pour attirer des médecins du travail et pour assurer un suivi médical de leurs agents).
Si on considère les choses au plan national, la Fonction Publique fait face depuis une vingtaine d’années au moins à une véritable pénurie nationale de médecins du travail, qui s’explique par une crise des vocations. En effet, cette spécialité de la médecine est sans doute l’une des plus exigeantes en termes de charge de travail et de déplacements (puisqu’il s’agit aussi de s’interroger sur le poste de travail des agent·es). Le constat est sans appel : alors qu’en raison du vieillissement de la population des agents publics les besoins en termes de prévention et de suivi médical ne font qu’augmenter d’année en année, le nombre de médecins du travail en exercice en France, lui, s’effondre. En quinze ans, la France a ainsi perdu plus d’1 médecin sur 5, une régression qui va encore s’accélérer dans les années qui viennent. En effet, si les agents vieillissent, les médecins aussi. Comme l’a rappelé le Directeur Général des Services lors du CST du 8 octobre, une majorité de médecins du travail a aujourd’hui plus de 55 ans, laissant craindre que le vivier national de médecins recrutables – qui ne comptait déjà plus que 4265 praticiens en 2023 – pourrait bien diminuer de moitié d’ici 2035.
Cette pénurie a cessé depuis longtemps d’être une anomalie, pour devenir une caractéristique qui va définir, à moyen et sans doute à long terme, le paysage français de la santé au travail. S’il est régulièrement proposé de rendre la carrière de médecin du travail plus attractive, la chose reste difficile. D’une part, on ne peut raisonnablement pas réduire leurs missions sans réduire du même coup la responsabilité des employeurs publics vis-à-vis des agents, ce qui irait à l’encontre des besoins. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération ne peut être que forcément limitée, pour ne pas aboutir à réserver le recrutement sur ces postes à quelques collectivités fortunées. Quant aux tentatives qui sont faites pour rendre ce choix de profession plus attractif auprès des étudiants, elles ne pourront avoir aucun effet immédiat, compte tenu de la durée d’études nécessaire.
On le voit, il n’y a pas de solution miracle. Il reste quelques leviers d’action, mais de portée souvent limitée. Ainsi, des possibilités existent pour confier certaines tâches aux infirmier·es du travail, mais font courir à ces dernier·es le risque d’assumer des responsabilités allant au-delà de celles prévues pour leur cadre d’emploi. Sur un sujet qui met en jeu la santé de centaines, voire de milliers d’agent·es, on comprendra que les employeurs (et les infirmier·es) se montrent extrêmement et légitimement prudents. D’autres palliatifs partiels à l’absence de médecin du travail portent sur le recours aux téléconsultations ou des accords avec des cabinets de médecins « correspondants du travail », mais ce ne sont que des pis-aller qui ne peuvent pleinement se substituer à l’accès à un médecin du travail capable de consacrer le tiers-temps nécessaire aux analyses des postes de travail, quand elles ne se heurtent pas à une autre pénurie : celle des médecins généralistes.
S’il n’y a pas de solution miracle, il y a en revanche un grand risque, déjà présent : celui de voir les employeurs publics se faire une concurrence acharnée pour attirer à eux les médecins en poste, en jouant sur la rémunération et les conditions de travail. Ce n’est évidemment pas la piste à privilégier, cette mise en concurrence se faisant à coup d’argent public et au détriment prévisible des collectivités les plus modestes. Plutôt que dans un mercato permanent, l’espoir est plutôt à mettre dans des coopérations entre employeurs publics, pour mutualiser les compétences.

