Chacun le sait, lors de l’élaboration de ses lignes directrices de gestion (LDG), qui posent la stratégie de l’employeur en matière d’avancement et de promotion, la Région Nouvelle-Aquitaine a inscrit des conditions supplémentaires pour l’accès à certains grades. Pour mémoire, le législateur a déjà prévu, dans les décrets portant statut des différents grades de la Fonction Publique Territoriale, des conditions claires. Par exemple : pour être promouvable au grade Y il faut tant d’années de service, dans telles fonctions, etc.
La Région n’est pas la seule à avoir voulu rajouter ses propres critères. Lorsqu’en 2019 la loi de Transformation de la Fonction Publique leur en a donné la possibilité, beaucoup d’employeurs territoriaux ont décidé que le législateur s’était montré trop large, ou ressenti le besoin de corseter la masse salariale, et ont donc ajouté aux conditions du décret des conditions « maison ». A la Région Nouvelle-Aquitaine, par exemple, ce sont pour l’essentiel des conditions de fonction qui sont venues se rajouter à celles de grade et d’ancienneté prévues par les décrets. Ainsi, sur la catégorie A – qui concentre la plupart de ces conditions – l’accès à telle promotion ou à tel avancement n’est ainsi possible que si l’agent remplit les conditions statutaires ET qu’il occupe des fonctions d’encadrement de niveau sous-directeur, voire directeur.
Que les employeurs souhaitent décider de leur politique RH est une chose – c’est d’ailleurs raccord avec le pouvoir donné par le Code Général des Collectivités Territoriales à l’exécutif qui est libre de promouvoir et de nommer aux emplois. On comprend aussi que le critère de la fonction a l’avantage d’être simple à contrôler : un coup d’oeil sur l’organigramme suffit pour dire si l’agent encadre ou pas au niveau requis par les LDG. Mais la simplicité du critère ne l’empêche pas de soulever des difficultés, et de nous poser quelques questions.
Premier questionnement : si pour accéder au grade X il faut occuper le niveau de fonction Y, seule cette minorité d’agent peut donc prétendre à dérouler sa carrière. Pour tous les autres, c’est l’impasse. Non seulement cela impose la mobilité à des agents expérimentés, mais cela décourage les agents qui n’ont pas déjà décroché ce grade de rejoindre la collectivité. Alors que les vagues de départ à la retraite vont amener toutes les collectivités à jouer les chasseurs de têtes pour attirer et fidéliser des agents, pas sûr que cet obstacle au déroulement de carrière soit un élément très attractif ni très fidélisant de la marque employeur.
Second questionnement : d’un côté les employeurs territoriaux conditionnent l’accès au grade à l’exercice d’une fonction, mais de l’autre on voit qu’ils font aussi (et en même temps) l’inverse, en choisissant les grades qui conditionnent la recevabilité des candidatures à la fonction en question. On arrive à la situation où il faut déjà être directeur pour prétendre au grade X, mais où en même temps la détention du grade X est un plus pour être nommé directeur. L’effet est pénalisant pour les candidatures internes et même, d’une façon générale, sur les candidatures statutaires. A nouveau, ça ne nous semble pas idéal en termes d’attractivité de la Fonction Publique.
Enfin un dernier questionnement sur cette pratique de la condition de fonction. En faisant de l’exercice effectif des fonctions d’encadrement la condition sine qua non pour être promu ou avancé en grade, on s’interdit de regarder la carrière de l’agent. De nombreux agents publics ont encadré dans leurs fonctions précédentes, que ce soit ou non chez leur employeur actuel. Ils l’ont fait parfois pendant des années, avec parfois avec des équipes très importantes. Puis ces agents ont bifurqué, et pris un poste sans encadrement mais qui n’en est pas forcément moins essentiel ou moins complexe. Ne tenir compte que de leur place sur l’organigramme l’année de leur éventuelle promotion, c’est voir les choses par le mauvais bout de la lorgnette.
Pour revenir à notre situation au sein de la collectivité régionale, la FA-FPT souhaite voir levés ces obstacles supplémentaires au déroulement de la carrière. Ces conditions supplémentaires n’ajoutent rien à la liberté de l’Exécutif, mais peuvent finir par convaincre des collègues que la voie de l’évolution de leur carrière leur est définitivement barrée dans notre collectivité. En ne faisant plus de l’exercice effectif de tel ou tel niveau d’encadrement l’alpha et l’omega de l’accès aux hauts grades territoriaux, en tenant compte de l’expertise et de tout le parcours, et en ouvrant de plus larges perspectives de déroulement de carrière, il nous semble que la Nouvelle-Aquitaine ferait un investissement utile dans ses forces vives.