A ce stade, on ne peut qu’émettre des hypothèses. Le Dr Guérini a-t-il juré la perte de ses petits camarades du gouvernement ? A-t-il été traumatisé par ces quelques terribles semaines où il n’était plus ministre ? A-t-il été remplacé par Mister Stan, son jumeau maléfique ? On pourrait en effet croire qu’en ce moment un ministre éviterait d’allumer des incendies. Mais non : voici Mister Stan qui entre en scène, lance-flammes à la main ! Le 9 avril dernier, tout en jurant bien sûr que c’est pour la bonne cause, Monsieur le re-Ministre de la Transformation et de l’Action publiques a tenu à annoncer qu’il fallait en finir avec le “tabou” des licenciements de fonctionnaires, et puis qu’on devrait aussi, tant qu’on y était, supprimer les catégories des agents publics qui n’avaient selon lui plus beaucoup de sens. Rien que ça !
Commençons d’abord par le licenciement. Est-ce que notre Ministre, dont la vérité oblige à dire qu’il n’a jamais été très familier de la chose publique jusque-là, ne saurait pas que, contrairement à tous les clichés, les fonctionnaires ne sont pas des vaches sacrées pouvant accumuler les fautes et les bévues sans conséquence ? Il suffit pourtant d’ouvrir la liste des sanctions disciplinaires pour voir qu’un agent public est déjà licenciable aujourd’hui, s’il a commis des fautes assez graves pour le justifier, et que le soi-disant “tabou” de Mr Stan existe surtout dans l’imaginaire néo-libéral. Mister Stan sait donc a priori (certes, il est ministre, ça n’aide pas, mais quand même !) très bien que le fonctionnaire est licenciable. Du coup le verrou qu’il veut faire sauter ne peut pas être le licenciement. Ce serait-y pas plutôt qu’on voudrait pouvoir demain licencier pour des fautes moindres, voire, allez, soyons fous, sans faute à proprement parler ? L’emploi public comme produit consommable et jetable, en somme… Beaucoup en rêvent, dans les sommets.
A l’appui de cette théorie, il y a sa seconde annonce-choc : “faut bazarder les catégories”. Stan nous assure qu’elles ont perdu tout leur sens, et qu’elles “sont en décalage avec les qualifications nécessaires pour l’exercice des métiers” (on notera en passant que c’est aussi l’impression que donnent les Ministres, ces derniers temps). Là, Stan identifie un vrai problème. Il est exact qu’on a aujourd’hui (y compris à la Région) des agents dont on attend une technicité ou une responsabilité bien supérieure à celle de leur catégorie. Hélas, côté solution, le Ministre n’arrive à imaginer que de tout faire sauter. Mais ce problème n’est pas lié au statut ! Il l’est d’abord à l’employeur qui, bien content d’obtenir du travail de B ou de A au prix du C, fait monter le contenu des missions tout en rechignant à promouvoir les agents sur poste. Et la suppression des catégories n’arrangerait rien sur ce point. Bien au contraire ! Car si aujourd’hui l’employeur a (au moins en théorie) l’obligation de confier à l’agent des missions conformes à son cadre d’emplois, et si l’agent peut se prévaloir de ce cadre, dans une Fonction Publique totalement “dé-catégorisée” on n’aura plus ni références ni règles communes. Chaque poste sera profilé selon les moyens et le besoin du moment, et bon courage pour y mettre de la cohérence. Un job A+ payé comme un rédacteur? Sans catégorie, rien ne s’y opposera plus, si le poste trouve preneur. Un adjoint technique endossant les responsabilités d’un ingénieur ? “Bah pourquoi pas les gars ?”, nous dira Mr Stan. En proposant de détricoter les catégories, c’est bien tout le statut que Stan envisage de dynamiter.
Or qu’est ce que le statut ? Pas un totem d’impunité pour les agents publics, mais bien des règles qui régissent notre carrière, déterminent notre rémunération et nos missions, garantissent nos droits et fixent nos devoirs. Sans elles, l’administration demain sera moitié fête à Neuneu, moitié loi de la jungle. Peut-être que Mister Stan rêve d’un service public à l’allemande, avec très peu de fonctionnaires statutaires et des contractuels aisément révocables. Ou peut-être qu’il rêve carrément d’une fonction sans fonctionnaires, une prestation parmi d’autres en somme, ni plus ni moins que la livraison des courses ou le bouquet de chaînes télé. Selon les Anciens, une vieille légende dit qu’il y avait autrefois un Dr Guérini qui voulait rendre la Fonction Publique plus attractive. On se demande bien ce qu’il a pu devenir…
Ce que dit la FA-FPT : « Au prétexte de rajouter de la cohérence, le Ministre envisage de saper les bases du statut. Ne nous y trompons pas : sans statut, les emplois publics seront à la carte. Ce sera le règne de la concurrence entre les employeurs, mais aussi celui de l‘arbitraire pour les agents.“